Sens, direction, orientation

« [...] La notion de similitude [...] est parmi les plus importantes : la notion de corps pareils, plus ou moins gros, s’est imposée aux hommes aussi primitivement et nécessairement que celle d’égalité
(Henri Lebesgue, Message d'un mathématicien.)

L’homme, l’homo-sapiens, explore peu à peu l’espace autour de lui en choisissant d’abord une première direction pour cette reconnaissance. Il va ainsi, peu à peu, assimiler, prolonger l’espace dans lequel il peut vivre et se développer.

sapiens

Ce prolongement s'effectue d'abord par l’imaginaire (*) : à partir du connu, au delà de l'affine, c'est le « semblable » qui se révèle. « Prolonger » le connu, le reconnaitre autour de soi pour, enfin, distinguer ce qui est invariant dans (et malgré) les changements de forme, « les transformations » :

« […] La notion importante est celle de figures semblables : l’homothétie n’est que le moyen d’obtenir des figures semblables […] » (Henri Lebesgue, Message d'un mathématicien.)

Des corps « pareils » mais plus ou moins gros, des corps (ou des figures) « semblables »... « Homothétie » est formé à partir du grec (homos « semblable s» et thesis « position »). Le Robert précise que l’adjectif grec « homos » est apparenté au latin similis et à sa famille (sembler, similitude...). Cette position révèlarice d'une similitude est celle d'un point privilégié, le centre, point à partir duquel se révèle et s'affirme cette « ressemblance » particulière, précise, précisée et alors nommée la similitude.

Si vous avez la curiosité de regarder et d’écouter quelques minutes de cette séquence d'« Alloprof », vous comprendrez vite que le langage, le français employé, est celui du Québec. J’imagine aussi que vous apprécierez alors sa simplicité et son efficacité. On relie... (« On va relier le sommet et le centre d'homothétie et on va le faire passer de l'autre côté du centre d'homothétie... »). On mesure... (« On va mesurer chacun des segments entre le sommet et le centre d'homothétie... »).

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Les termes de « figure » et de « sommets (qu'on relie) » permettent de parler et ainsi de délimiter, de définir et séparer l’intérieur et l’extérieur de la figure mais aussi d'évoquer, sans plus de précisions, la taille ou la grandeur de la figure image « par rapport à la figure initiale ». Par contre « le prof » insistera sur la notion de figure résultante de l'homothétie et détaillera cette simple et très utile façon de procéder :
    « [...] on note les sommets de la figure initiale par les lettres de l'alphabet [...] »
    « [...] on note par les mêmes lettres la figure image [...] »
    « [...] « A » sur la figure initiale « se présente A' » et, ainsi, représente A sur la figure image […] ».

Le réel, la réalité, celle du bureau, du plan du bureau sur lequel l’élève pose et repose le plat de la règle graduée. L'orientation de cette règle déterminera la direction de la droite qui va être tracée et sa graduation en accompagnera alors l'un des sens. Orientation, direction et sens, ces trois mots liés à celui de droite, attachés, apportés (et même supportés) par le réel, la réalité de la règle, de sa graduation et de sa manipulation ne seront ni écrits ni prenoncés. Le réel, le langage et l'image (*) mêlés, enchevêtrés...

Mais il faut aussi remarquer une autre réalité, celle de la largeur de la feuille sur laquelle travaille l’élève. Sur une horizontale de vingt à vingt-cinq centimètres, le professeur (québécois ou non) doit présenter à la lecture au moins deux figures semblables en vis-à-vis et cette réalité en impose une autre :

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il est facile, ci-dessus, d'évaluer les longueurs BC et B’C’ en utilisant le quadrillage de la feuille. Les mesures qui en résultent sont bien sûr approximatives, ce que traduit le signe «  ». Cet « à peu près » est aussi celui que nous offrent nos habitudes de lecture (évaluer d’un regard, d’un « coup d’œil » la longueur des mots). Deux méthodes, un résultat : « en longueur » B'C' est « à peu près » double de BC.

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Rappeler aux élèves les prodiges réalisés par leur cerveau pendant l’apprentissage de la lecture leur permet de porter un autre regard sur le langage mathématique. Connaitre et reconnaitre «  […] les opérations complexes […] du regard et du cerveau qui le dirige. » et savoir que «  […] pour bien reconnaitre un mot […] » leur cerveau utilise des tactiques dont la meilleure « […] consiste à fixer [ce mot] un peu à gauche de son centre […] » (*) permet, par exemple, de relier le segment géométrique horizontal, son milieu et sa longueur aux mots et à la segmentation de la phrase qu'ils réalisent.

« Différencier les objets mathématiques par leur nom » : le « prof » spécialise un terme du langage usuel et, pour cela, il accentue les marques logiques qu'il utilise... «  [...] donc (o4:03/6:25) on part du centre d'homothétie et on mesure 6 point 8 cm, mais (o4:08/6:25) à l’opposé de la figure initiale par rapport au centre d’homothétie. [...] ». Le terme d'opposition est ainsi réservé : les élèves ont (donc) déjà « rencontré » l'objet mathématique appelé : la droite numérique :

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Cette façon de faire correspond à des besoins qui sont (qui ne sont que) ceux des mathématiques (*). Le terme d'opposé est à présent réservé pour des échanges en vis-à-vis gauche/droite, pour la reconnaissance et l'écriture de nombres... opposés. Ce choix en libère et en précède un autre : l'expression de nombres inverses écrits sous forme de rapports en vis à vis et en échange haut/bas.

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La flèche... sans doute l'un des premiers signes que les hommes ont compris et su échanger. Pourquoi ne pas l'utiliser comme un objet mathématique ? La direction, l'orientation, le sens... Henri Lebesgue, là encore, là aussi...

En passant, je fais remarquer que si l’on définit les opérations sur les nombres positifs et négatifs comme nous venons de le faire pour les nombres, mais en remplaçant l’emploi des segments non dirigés par l’emploi des vecteurs, les règles relatives aux signes perdent tout caractère artificiel. (Henri Lebesgue, Sur la mesure des grandeurs, Œuvres scientifiques volume V, page 190).

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